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dimanche 15 mars 2020

Madagascar


Il m’en aura fallu du temps pour revenir sur ce voyage loin d’être facile.
En août 2018, nous sommes partis à Madagascar avec Benoît, Jérôme et Rémi. Une chaleur excessive à cette période et le décès d’une personne proche en début de voyage nous auront (en tout cas moi en particulier) empêché de profiter pleinement du lieu. Retour néanmoins sur ce mois de dépaysement au cœur de l’Océan Indien.


Le massif du Tsaranoro

L’idée était de grimper au cœur du massif du Tsaranoro avec ces immenses tours de granit perdues au milieu de steppes arides.

Tsaradonga, 7a
Vu la chaleur et ne connaissant pas les lieux, nous optons pour une voie de mise en route : Tsaradonga, 7a, 300 m au Lemur Wall et partons un peu la fleur au fusil en calant mal l’approche et en se disant que ça ira. Bilan, on se trompe de chemin et arrive au pied d’un tout autre mur. On se dit « pas de soucis, on coupe ! ». Grave erreur ! On apprend ce jour-là qu’il faut rester sur les sentiers et qu’en dehors les hautes herbes sont infranchissables. C’est la jungle. Après quelques heures d’errances, nous arrivons au pied du Lemur Wall tard dans l’après-midi. La pression monte d’un cran pour savoir si nous aurons le temps de faire la voie avant la nuit. Ni une ni deux, les 300 m de la voie sont pliés au pas de course en 2h et nous rentrons au camp à la tombée de la nuit. Au bilan pour une première journée, 5h de marche pour 2h de grimpe ! Bon ratio, surtout pour les courbatures aux jambes !

Tsaradonga, 7a
Quoiqu’il en soit, la voie valait carrément le détour et grimper sur une colonette dans de la dalle à plus de 200 m du sol est dans tous les cas assez incroyable !

C'est raide mais ça adhère ce granit ! Crabe aux Pinces d'Or, 7b+
Rémi dans Le Crabe aux Pinces d'Or

Pour la suite, nous optons pour « Le Crabe aux pinces d’Or », 7b+, 350 m sur Mitsinjoarivo. La chaleur nous oblige à attendre à l’abri d’un dévers pour retarder un peu notre début dans la voie. Ainsi, nous ne grimpons que les 2 premières longueurs au soleil. Les croutes bouillantes de L1 laissent d’ailleurs bons souvenirs à notre peau.

Mains et pieds à plats dans Le Crabe aux Pinces d'Or, 7b+
Sommet du Mitsinjoarivo avec le Tsaranoro Atsimo en arrière plan
Je rate de peu la longueur dure à vue, la lecture n’étant pas évidente et me régale dans le reste de la voie. La fin est unique sur des formes toutes en rondeur où on a apprend à grimper pieds et mains à plat. Ces longueurs sont en réalité bien plus exigeantes et obligatoires que les longueurs en 7b.
Nous finissons au coucher du soleil et retournons au campement par le canyon classique de descente en marchant en adhérence sur des dalles tellement raides que la physique m’apparaît parfois mise à défaut ! Et pourtant… aucune chute à déclarer !

"Posey !"
Tout le monde n'a pas la même sensibilité à la chaleur !
La chaleur nous empêche de partir dans des itinéraires ambitieux. La plupart des faces sont au soleil la moitié de la journée et la longueur des itinéraires ne nous permet pas de les envisager à la demi-journée. A moins de grimper une bonne partie de nuit comme semblent le choisir les anglais sur place…

A l'assaut de la forteresse de Varavarana Tontolo, 7b
100 m plus haut.toujours dalleux..
On prend de la hauteur !
Nous optons finalement pour la seule voie plein sud (donc à l’ombre toute la journée ou presque) « Varavarana Tontolo », 7b, 450 m. Ce sont d’abord 200 m de dalles vraiment couchées jusqu’à 7a pour atteindre le bastion supérieur de 250 m. Là nous attendent des dévers ou des murs verticaux exigeants sur plats comme sait si bien le faire le granit malgache.

La longueur en 7b...
Pendant que les copains arrivent !
Une longueur me reste particulièrement en mémoire : celle en 7b sur écailles neuves qui laissent perplexe quant à leur solidité avec surtout un passage complétement obligatoire et plutôt engagé entre le dernier point et le relais. J’ai personnellement ressenti cette longueur comme plus dure que celle en 7b+ du « Crabe aux Pinces d’Or », peut-être à cause de l’enchaînement… Mais j’étais dans tous les cas ravie de ne pas prendre cette chute !

Un relais confort + la doudoune : profitons-en !
Une bonne aventure partagée avec Ben et Jéjé dans la cordée d’en dessous dans cette voie de caractère. Une aventure est toujours accompagnée de quelques péripéties et celle-ci n’y a pas échappé ! Un coinçage de corde en règle lors des rappels pour Ben et Jérôme dans l’une des nombreuses écailles qui n’attendent que les grimpeurs pour se nourrir de leurs brins qui les ramènent au plancher des zébus !

Escalade sur chips...
et engagement
Enfin, nous terminons dans une voie un peu plus dure au Lemur Wall « King Lui » 7c, 250 m . Cette fois notre stratégie se rapproche de celle des anglais et nous partons vers midi pour arriver au pied de la face quand elle sera à l’ombre. Stratégie pas si fantastique que ça puisque cela nous oblige à faire l’approche aux heures les plus chaudes de la journée et une bonne partie des réserves d’eau y passe. Néanmoins, l’escalade est plaisante et nous expérimentons la fin dans les 6c sur écailles douteuses de nuit. L’ambiance est particulière, à la fois grisante et oppressante. Quitte à avoir le choix, je crois que je recommencerai sur caillou irréprochable.

Frontale en préparation !
L’envie était également de faire Out Of Africa, une grande classique mais nous ne sommes pas prêts à grimper au soleil. Dans ces conditions, l’escalade n’est plus une partie de plaisir et nous décidons alors d’aller visiter le nord du pays.

Ce genre de bus !
Pour cela, nous voyageons en bus jusqu’au nord comme les locaux. Pour parcourir 1300 km, nous mettons 7 jours… Les étapes de 500 km prennent autant de temps que celles de 80 km : 12h ! Départ au lever du jour et arrivée à la nuit, musique malgache à fond dans les haut-parleurs du mini bus et montagnes russes à mesure que les routes pistes se défoncent, le tout collé serré avec son voisin, qu’il soit humain ou animal, malade ou non ! Ah ce genre de voyage est une aventure à part entière !

ou ceux-là !
Les longues heures de bus permettent de s’imprégner des paysages et des villages ou lieux de vie traversés. Une chose marquante pour une française comme moi est de noter le nombre de personnes présentes dans la rue, dès le lever du jour. En France, la rue est un lieu de passage, de transition. Hors évènement exceptionnel, il n’y a personne tôt le matin. A Madagascar, la rue semble le lieu du quotidien, la permanence. Les cases sont trop petites, trop rustiques pour s’y délasser et y passer du temps. Quoi y faire d’ailleurs ? La vie sociale est à l’extérieure. J’en viens à me demander : est-ce que la mesure du développement d’un pays est inversement proportionnelle au nombre de personnes présentes dans ses rues ?

Canal du Mozambique à Majunga
C’est la même chose pour l’argent ou les ressources matérielles. Combien d’arbres coupés pour construire les cases mais aucun replanté ? Il n’est pas rare non plus de voir des malgaches acheter une micro ration de riz, celle du repas du soir. Demain ? Advienne que pourra… La vie à l’instant présent dans toute sa splendeur et avec ses limites. Cela laisse à réfléchir.

A l'aide !

Le bâteau secours

Un grand marin !

Le contraste est grand quand nous arrivons sur l’île touristique de Nosy Be après plusieurs pannes, mécaniques ou d’essence, de voiture ou de bâteau… Oui oui ! 

Nosy Be
La modernité fait surface, les travers du tourisme également. Le tourisme sexuel n’est pas caché, loin de là et les sollicitations au coin de chaque rue sont nombreuses. Nous profitons néanmoins de ce répit européanisé et nous nous retrouvons à faire de la plongée dans de superbes coraux, à nager avec des tortues de mer, grandes de 2 à 3 fois notre taille ou à découvrir de petites îles préservées où poussent les fruits locaux et plantes endémiques.


Scène de vie
Ananas en création !
Puis nous continuons notre vers Diego Suarez avec l’idée de grimper sur une île de l’archipel de Nosy Hara. Mais après contact avec Mathieu Delacroix, directeur de New Sea Roc, la boîte qui développe et gère les camps qui permettent d’accéder aux sites de grimpe autour de Diego Suarez, nous déchantons. Il faut être minimum 6 personnes pour organiser un déplacement à Nosy Hara et vu le peu de touristes à cette période et le manque flagrant d’envie de la part de New Sea Roc, nous changeons d’options et allons sur un autre camp nommé « Jungle Park » pour grimper dans le massif de la Montagne des Français.

Farniente vers Nosy Be
Il n’y a rien à redire sur l’organisation de ce camp et l’accueil du personnel. La nourriture est excellente, les gens disponibles et attentionnés, nous dormons dans des cabanes de luxe construites dans des arbres au cœur d’un massif sauvage.

Jérôme dans un des beaux 6b de la Vallée des Perroquets
En revanche, l’escalade est décevante. Non pas que la grimpe soit moche car ce n’est pas le cas. Le cadre, entourés de baobabs et d’oiseaux inconnus qui chantent leur plus belle symphonie, dépayse et les formes du caillou ultra sculptées laissent rêveur. Mais l’équipement des falaises est totalement délaissé, les points sont oxydés et les voies non entretenues. Clairement les voies dans le 6 de la Vallée des Perroquets sont les plus belles et surtout les plus sûres. Le secteur de voies un peu plus dures est rempli de lianes et de toiles d’araignées tandis qu’il faut choisir la voie avec l’équipement le moins à craindre pour s’engager.

Au-dessus des baobas
Pour quelqu’un qui se dit passionné, qui revendique sur son site web l’équipement de ces secteurs, fait de la publicité pour l’escalade (et ses logements il faut le dire) et gagne de l’argent grâce à cette pratique, il nous a semblé que la moindre des choses aurait été de maintenir à un niveau décent d’utilisation de ces quelques voies, par ailleurs pas nombreuses. La déception était grande. Nous n’avons pas compris la démarche de Mathieu, hormis le profit, et étions étonné de trouver un homme si peu investi dans le milieu et passionné par la pratique. La période du développement de l’escalade autour de Diego Suarez est probablement passée et le temps semble être plutôt à la planche à voile à présent.

Si petite et si peu de points...
Sur ces quelques notes s’achève notre périple, nous optons pour l’avion pour rejoindre la capitale et passons quelques jours à Tana. Ce voyage aura été difficile mais m’aura appris beaucoup et fait grandir je pense. Je suis contente d’avoir pu mettre quelques mots pour formuler certains sentiments à ce sujet…