Il m’en aura fallu du temps pour revenir sur ce voyage loin
d’être facile.
En août 2018, nous sommes partis à Madagascar avec Benoît, Jérôme et Rémi. Une chaleur excessive à cette période et le décès d’une personne proche en début de voyage nous auront (en tout cas moi en particulier) empêché de profiter pleinement du lieu. Retour néanmoins sur ce mois de dépaysement au cœur de l’Océan Indien.
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Le massif du Tsaranoro |
L’idée était de grimper au cœur du
massif du Tsaranoro avec ces immenses tours de granit perdues au milieu de
steppes arides.
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Tsaradonga, 7a |
Vu la chaleur et ne connaissant
pas les lieux, nous optons pour une voie de mise en route : Tsaradonga,
7a, 300 m au Lemur Wall et partons un peu la fleur au fusil en calant mal l’approche
et en se disant que ça ira. Bilan, on se trompe de chemin et arrive au pied d’un
tout autre mur. On se dit « pas de soucis, on coupe ! ». Grave
erreur ! On apprend ce jour-là qu’il faut rester sur les sentiers et qu’en
dehors les hautes herbes sont infranchissables. C’est la jungle. Après quelques
heures d’errances, nous arrivons au pied du Lemur Wall tard dans l’après-midi.
La pression monte d’un cran pour savoir si nous aurons le temps de faire la
voie avant la nuit. Ni une ni deux, les 300 m de la voie sont pliés au pas de
course en 2h et nous rentrons au camp à la tombée de la nuit. Au bilan pour une
première journée, 5h de marche pour 2h de grimpe ! Bon ratio, surtout pour
les courbatures aux jambes !
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Tsaradonga, 7a |
Quoiqu’il en soit, la voie valait
carrément le détour et grimper sur une colonette dans de la dalle à plus de 200
m du sol est dans tous les cas assez incroyable !
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C'est raide mais ça adhère ce granit ! Crabe aux Pinces d'Or, 7b+ |
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Rémi dans Le Crabe aux Pinces d'Or |
Pour la suite, nous optons pour « Le
Crabe aux pinces d’Or », 7b+, 350 m sur Mitsinjoarivo. La chaleur nous
oblige à attendre à l’abri d’un dévers pour retarder un peu notre début dans la
voie. Ainsi, nous ne grimpons que les 2 premières longueurs au soleil. Les
croutes bouillantes de L1 laissent d’ailleurs bons souvenirs à notre peau.
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Mains et pieds à plats dans Le Crabe aux Pinces d'Or, 7b+ |
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Sommet du Mitsinjoarivo avec le Tsaranoro Atsimo en arrière plan |
Je rate de peu la longueur dure à
vue, la lecture n’étant pas évidente et me régale dans le reste de la voie. La
fin est unique sur des formes toutes en rondeur où on a apprend à grimper pieds
et mains à plat. Ces longueurs sont en réalité bien plus exigeantes et
obligatoires que les longueurs en 7b.
Nous finissons au coucher du
soleil et retournons au campement par le canyon classique de descente en
marchant en adhérence sur des dalles tellement raides que la physique m’apparaît
parfois mise à défaut ! Et pourtant… aucune chute à déclarer !
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"Posey !" Tout le monde n'a pas la même sensibilité à la chaleur ! |
La chaleur nous empêche de partir
dans des itinéraires ambitieux. La plupart des faces sont au soleil la moitié
de la journée et la longueur des itinéraires ne nous permet pas de les
envisager à la demi-journée. A moins de grimper une bonne partie de nuit comme
semblent le choisir les anglais sur place…
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A l'assaut de la forteresse de Varavarana Tontolo, 7b |
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100 m plus haut.toujours dalleux.. |
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On prend de la hauteur ! |
Nous optons finalement pour la
seule voie plein sud (donc à l’ombre toute la journée ou presque) « Varavarana
Tontolo », 7b, 450 m. Ce sont d’abord 200 m de dalles vraiment couchées
jusqu’à 7a pour atteindre le bastion supérieur de 250 m. Là nous attendent des
dévers ou des murs verticaux exigeants sur plats comme sait si bien le faire le
granit malgache.
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La longueur en 7b... |
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Pendant que les copains arrivent ! |
Une longueur me reste
particulièrement en mémoire : celle en 7b sur écailles neuves qui laissent
perplexe quant à leur solidité avec surtout un passage complétement obligatoire
et plutôt engagé entre le dernier point et le relais. J’ai personnellement ressenti
cette longueur comme plus dure que celle en 7b+ du « Crabe aux Pinces d’Or »,
peut-être à cause de l’enchaînement… Mais j’étais dans tous les cas ravie de ne
pas prendre cette chute !
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Un relais confort + la doudoune : profitons-en ! |
Une bonne aventure partagée avec
Ben et Jéjé dans la cordée d’en dessous dans cette voie de caractère. Une
aventure est toujours accompagnée de quelques péripéties et celle-ci n’y a pas
échappé ! Un coinçage de corde en règle lors des rappels pour Ben et
Jérôme dans l’une des nombreuses écailles qui n’attendent que les grimpeurs
pour se nourrir de leurs brins qui les ramènent au plancher des zébus !
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Escalade sur chips... |
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et engagement |
Enfin, nous terminons dans une
voie un peu plus dure au Lemur Wall « King Lui » 7c, 250 m . Cette
fois notre stratégie se rapproche de celle des anglais et nous partons vers
midi pour arriver au pied de la face quand elle sera à l’ombre. Stratégie pas
si fantastique que ça puisque cela nous oblige à faire l’approche aux heures
les plus chaudes de la journée et une bonne partie des réserves d’eau y passe.
Néanmoins, l’escalade est plaisante et nous expérimentons la fin dans les 6c
sur écailles douteuses de nuit. L’ambiance est particulière, à la fois grisante
et oppressante. Quitte à avoir le choix, je crois que je recommencerai sur
caillou irréprochable.
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Frontale en préparation ! |
L’envie était également de faire
Out Of Africa, une grande classique mais nous ne sommes pas prêts à grimper au
soleil. Dans ces conditions, l’escalade n’est plus une partie de plaisir et
nous décidons alors d’aller visiter le nord du pays.
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Ce genre de bus ! |
Pour cela, nous voyageons en bus
jusqu’au nord comme les locaux. Pour parcourir 1300 km, nous mettons 7 jours… Les
étapes de 500 km prennent autant de temps que celles de 80 km : 12h !
Départ au lever du jour et arrivée à la nuit, musique malgache à fond dans les haut-parleurs
du mini bus et montagnes russes à mesure que les routes pistes se
défoncent, le tout collé serré avec son voisin, qu’il soit humain ou animal,
malade ou non ! Ah ce genre de voyage est une aventure à part entière !
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ou ceux-là ! |
Les longues heures de bus
permettent de s’imprégner des paysages et des villages ou lieux de vie
traversés. Une chose marquante pour une française comme moi est de noter le
nombre de personnes présentes dans la rue, dès le lever du jour. En France, la
rue est un lieu de passage, de transition. Hors évènement exceptionnel, il n’y
a personne tôt le matin. A Madagascar, la rue semble le lieu du quotidien, la
permanence. Les cases sont trop petites, trop rustiques pour s’y délasser et y
passer du temps. Quoi y faire d’ailleurs ? La vie sociale est à l’extérieure.
J’en viens à me demander : est-ce que la mesure du développement d’un pays
est inversement proportionnelle au nombre de personnes présentes dans ses rues ?
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Canal du Mozambique à Majunga |
C’est la même chose pour l’argent
ou les ressources matérielles. Combien d’arbres coupés pour construire les
cases mais aucun replanté ? Il n’est pas rare non plus de voir des
malgaches acheter une micro ration de riz, celle du repas du soir. Demain ?
Advienne que pourra… La vie à l’instant présent dans toute sa splendeur et avec
ses limites. Cela laisse à réfléchir.
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A l'aide ! |
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Le bâteau secours |
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Un grand marin ! |
Le contraste est grand quand nous
arrivons sur l’île touristique de Nosy Be après plusieurs pannes, mécaniques ou
d’essence, de voiture ou de bâteau… Oui oui !
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Nosy Be |
La modernité fait surface, les
travers du tourisme également. Le tourisme sexuel n’est pas caché, loin de là
et les sollicitations au coin de chaque rue sont nombreuses. Nous profitons
néanmoins de ce répit européanisé et nous nous retrouvons à faire de la plongée
dans de superbes coraux, à nager avec des tortues de mer, grandes de 2 à 3 fois
notre taille ou à découvrir de petites îles préservées où poussent les fruits
locaux et plantes endémiques.
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Scène de vie |
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Ananas en création ! |
Puis nous continuons notre vers
Diego Suarez avec l’idée de grimper sur une île de l’archipel de Nosy Hara. Mais
après contact avec Mathieu Delacroix, directeur de New Sea Roc, la boîte qui développe
et gère les camps qui permettent d’accéder aux sites de grimpe autour de Diego
Suarez, nous déchantons. Il faut être minimum 6 personnes pour organiser un
déplacement à Nosy Hara et vu le peu de touristes à cette période et le manque
flagrant d’envie de la part de New Sea Roc, nous changeons d’options et allons
sur un autre camp nommé « Jungle Park » pour grimper dans le massif
de la Montagne des Français.
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Farniente vers Nosy Be |
Il n’y a rien à redire sur l’organisation
de ce camp et l’accueil du personnel. La nourriture est excellente, les gens
disponibles et attentionnés, nous dormons dans des cabanes de luxe construites
dans des arbres au cœur d’un massif sauvage.
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Jérôme dans un des beaux 6b de la Vallée des Perroquets |
En revanche, l’escalade est
décevante. Non pas que la grimpe soit moche car ce n’est pas le cas. Le cadre,
entourés de baobabs et d’oiseaux inconnus qui chantent leur plus belle
symphonie, dépayse et les formes du caillou ultra sculptées laissent rêveur. Mais
l’équipement des falaises est totalement délaissé, les points sont oxydés et
les voies non entretenues. Clairement les voies dans le 6 de la Vallée des
Perroquets sont les plus belles et surtout les plus sûres. Le secteur de voies
un peu plus dures est rempli de lianes et de toiles d’araignées tandis qu’il
faut choisir la voie avec l’équipement le moins à craindre pour s’engager.
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Au-dessus des baobas |
Pour quelqu’un qui se dit passionné,
qui revendique sur son site web l’équipement de ces secteurs, fait de la publicité
pour l’escalade (et ses logements il faut le dire) et gagne de l’argent grâce à
cette pratique, il nous a semblé que la moindre des choses aurait été de
maintenir à un niveau décent d’utilisation de ces quelques voies, par ailleurs
pas nombreuses. La déception était grande. Nous n’avons pas compris la démarche
de Mathieu, hormis le profit, et étions étonné de trouver un homme si peu
investi dans le milieu et passionné par la pratique. La période du
développement de l’escalade autour de Diego Suarez est probablement passée et
le temps semble être plutôt à la planche à voile à présent.
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Si petite et si peu de points... |
Sur ces quelques notes s’achève
notre périple, nous optons pour l’avion pour rejoindre la capitale et passons
quelques jours à Tana. Ce voyage aura été difficile mais m’aura appris beaucoup
et fait grandir je pense. Je suis contente d’avoir pu mettre quelques mots pour
formuler certains sentiments à ce sujet…