Les Dolomites... Une destination
estivale idéale pour échapper aux fortes chaleurs en France. Une première pour
Cédric et une quasi première pour moi aussi après un séjour express en 2008 où
j’avais pu visiter la Cima Grande par l’une de ses voies les plus faciles, l'Arête Dibona. Une destination qui permet de comprendre à ses dépends ce que
signifie l’expression « Marcher Grimper sur des oeufs » !
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Gros programme en perspective |
Mais tout commence par la Suisse avec
le Ratikon Boulder Masters à Klosters, 1er du nom. Là-bas, c’est le
pays de Nina et cet évènement est parfait pour qu’elle et Cédric présentent en
avant première leur film sur « Orbayu ». Après des hauts et des bas
dans la réalisation, on peut dire qu’ils ont bien bossé et que le film devrait
remporter un franc succés dans festivals cet automne ! Avis aux amateurs,
ne le ratez pas s’il passe près de chez vous !
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Retour en compétition forçu ! |
Une compétition ? Un retour
brutal en compétition pour Cédric ! Même si le physique n’est plus tout à
fait le même que pendant ses nombreuses années de compétitions, son mental ne
l’a pas quitté et il se hisse aisément parmi les 6 finalistes. Là où il paie le
manque d’entraînement c’est en finale sur le dernier bloc, cuit cuit le petit !
En tout cas, on peut dire qu’il a tout donné et qu’il s’est amusé !
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Attention, on nous observe ! |
Après tout cela, direction les Dolomites
et après deux jours à regarder tout le monde grimper j’ai plus que les crocs !
Alors on s’arrête à un petit site de couenne face à la face Nord des Tre Cime.
Quelle ampleur déjà de si loin ! Le site de grimpe n’est pas celui que je
recommanderai à tous visiteurs mais vu la courte marche d’approche, il
correspondait aux requêtes de mon assureur et il permet tout de même de se
dégourdir les bras !
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Punta Frida juste au-dessus de ma tête |
Quand je vous dis qu’il a tout
donné, ce n’est pas une blague. Deux jours après la finale, monsieur ressemble encore
à un petit vieux qui a mal partout si bien que pour notre première journée
aux Tre Cime, je lui laisse les bâtons, l’attend à chaque virage et le regarde
grimacer ! La voie du jour s’appelle Via dei Recordi.
Elle est plutôt courte, 150 m sur la Punta Frida et tout en terrain d’av. Idéale
pour découvrir le style des Tre Cime et pour perfectionner ma technique de pose
de coinceurs !
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Terrain d'av ! |
6 longueurs en 6b+ max, une jolie
promenade en moulinette pour Cédric et une bonne mise en jambe pour moi. Déjà
on se rend compte que le rocher n’est pas franchement compact. Par exemple, la
sortie du relais de la longueur 5 est plus que délicate... Le topo indique que
c’est la longueur clef, on se dit naïvement que c’est car c’est la longueur la
plus dure en termes de difficulté et que 6b+ ça ira. Que nenni ! Longueur
clef car la plus délicate et de loin ! Je résumerais les premiers mètres
comme un mille-feuille de rocher ... Et au prix d’un effort mental bien plus
que physique j’atteins le petit toit fissurée qui abrite une bonne protection 5
mètre au-dessus du relais sur vire. Chute à proscrire !
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La longueur en 6b+ ... |
Cette voie je la conseille
vivement pour une première journée si vous n’avez que l’après-midi. Elle est
rapide et présente toutes les qualités nécessaires à la grimpe dans les Tre
Cime : recherche d’itinéraires, sondage des prises et placements de
protections tout en alliant beauté et difficulté relative.
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A l'assaut des Tre Cime |
Le lendemain, nos ambitions se
portent sur Gelbe Mauer, une grand mur jaune de 350m sur la Cima Piccola. La
voie est plutôt récente, tout équipée, censée être relativement fréquentée et
soutenue : 11 longueurs dont 8 au-dessus de 6c. Le topo mentionne que le
passage des grimpeurs a permis de purger un peu la face. Alors on se dit qu’on
va se régaler !
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La face en question |
Décollage à 7h du camion,
premiers mouvements de grimpe à 8h, ouf on est les premiers. L1, 7a, il fait
froid, les points sont loins, ça réveille ! Contente de n’être qu’en
second dans cette longueur à règles sur du bon rocher effectivement.
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L1, 7a raide et espacé |
L2, 7a+, à mon tour pendant qu’une
cordée commence la voie histoire de mettre un peu la pression. C’est pas plus
mal, je réfléchis moins et j’avance. Je ne regarde pas trop ou du moins j’essaye
l’espace entre les points. Une grande traversée à droite sans points sur de
gros blocs pas tous très stables et voilà le relais !
L3, 6c, certainement une des plus
belles longueurs puis L4, 7a+, certainement la longueur la technique et
difficile à grimper. Je me dis que j’ai bien fait de passer mon tour mais la
boucle de mou au niveau de mes genoux n’est pas vraiment pour rassurer quand j’entame
les sections raides et techniques mais heureusement compactes.
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L4, 7a+ |
L5, 6c, on s’était dit ça ira, c’est
tout équipé et c’est purgé et bien c’est dans cette longueur que la voie commence
vraiment ! Si l’escalade est moins dure techniquement elle l’est oh
combien davantage mentalement !! Je regrette mes petits « friends »
de la veille et regarde alternativement le spit suivant, 10m au-dessus, et ces
réseaux de fissures propices aux coincements, impuissante ! Il n’y plus qu’à
comme on dit !! Plus qu’à prendre sur soi, plus qu’à tater le caillou pour
ne pas prendre une des nombreuses prises qui n’attendent qu’à partir, plus qu’à
trouver l’équilibre malgré la tension inhabituelle du corps. Ca fait un paquet
de nouvelles sensations tout ça !
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A R4, heureux ! |
L6, 7a+, une longueur mieux
équipée qui zigzague mais sur encore de gros blocs mouvants qui ne rassurent
pas. Alors on a trouvé la technique pour grimper ce type de rocher : on se
met de face et on bloque le plus bas possible pour avoir le plus de choix
possible pour la main libre et choisir la prise la plus équilibrée dans la
masse rocheuse ! Comme chaque prise est tirée vers le bas et pas vers soi
et vu le tétris des blocs, ça paraît plus sûr ! Bon avec cette technique
on arrive en haut des 350m de grimpe avec de belles crampes au biceps je vous
préviens ! Mais au moins on ne tombe pas !
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Exemple en image de la technique "blocage le plus bas possible" |
L7, 7a, une traversée technique
puis on remonte un pilier esthétique avant de se retrouver à nouveau face à un
bel espacement de points sur un rocher toujours tendancieux...
L8, 6c, un début vraiment pourri
puis ce gros toit caractéristique. Ah ça y est les crampes aux biceps font leur
appartition ! Le réta du toit, on se demande comment il tient encore en
place et plus on monte plus on se pose la question jusqu’à rejoindre la face en
enjambant la fissure entre ce bloc et la face... Ca fait froid dans le dos.
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On se rapproche du sommet |
Les trois dernières longueurs
6b+, 6a+ et 5+ sont peut-être les pires et les plus dures à grimper, en tout
cas pour moi qui n’a pas l’habitude d’un terrain montagne comme celui-là. C’est
simple, on se rapproche du sommet, les faces se couchent et on se retrouve
littéralement sur un amoncellement de cailloux, de pierriers, de terrasses.
Bref la fin est vraiment un cairn géant, il faut être méfiant et surtout ne pas
être la cordée du dessous !
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La photo du sommet |
Nous sommes accueillis au sommet
par quelques choucas affamés et redescendons en rappel dans la voie d’à côté
bien plus raides dans le haut ce qui évite de faire tomber un nombre
incalculables de pierres et accessoirement réduit les risques de coincer la
corde.
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Le choucas, aussi fier que Cédric à R4 ! ;) |
Finalement, méfiate ! Ce n’est
pas parce que tout est équipé que ça va être une balade, au contraire ! Et
au Tre Cime il vaut mieux être bien préparé mentalement.
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Des rappels aériens ! |
Notre envie de visiter la
Hasse-Brandler en face nord de la Cima Grande s’est un peu estompée avec l’ascension
de cette voie. Je crois que mon mental était un peu vidé et que je n’étais pas
prête à me réengager pleinement dans une face inconnue de 500m. Sans compter qu’il
ne faisait déjà pas bien chaud au soleil alors l’idée de passer une journée
entière avec onglée et caillante ne nous enchantait pas du tout à tous les deux !
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Un bon verre de vin pour fêter ces deux voies ! |
Une bonne journée de repos s’annonce
pour refaire nos corps endoloris. Direction Cortina d’Ampezzo, LA ville chic et
chère des Dolomites. C’est drôle, on vit à Chamonix mais on est quand même
ultra choqués de la population qui arpente les rue de Cortina. Au moins, aucun
soucis pour faire son choix de chirurgie esthétique pour les prochaines années !
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Cortina |
Ensuite direction la Marmolada
pour voir cette face si réputée. On passe au village Malga Ciapela, on voit de
grosses faces mais toutes fracturées. On monte alors au barrage de Passo Fedaia
et nous admirons ce que notre topo nous indique comme la Marmolada : une
loooongue pente herbeuse qui doit fournir de belles pistes de ski en hiver. Mais,
toujours pas de grosse face de 1000 m... Après nos investigations tels de vrais
détectives, nous comprenons que la face se trouve de l’autre côté et qu’elle n’est
visible qu’après minimum 30 min de marche. Nous allons y jeter un coup d’oeil
et effectivement c’est impressionnant ! C’est sûr on reviendra pour
grimper dans cette belle face !
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La pizza |
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Mais c'est aussi bon dans le camion ! |
Après une pizza digne de ce nom,
nous visitons deux secteurs de couenne qui valent le détour. L’un, Capanna
Bill, littéralement au pied de la Marmolada, même rocher, un calcaire compact d’une
qualité rare. On se régale. Le potentiel pour ouvrir des voies est
gigantesque... On se demande pourquoi si peu de secteurs sont exploités.
Peut-être que les grimpeurs locaux sont plus férus de grandes voies que de
couennes mais n’importe quel équipeur français ou espagnol aurait les yeux qui
brillent devant cette face.
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Vue sur la Civetta |
Puis le lendemain nous grimpons à Laste, une
tour de calcaire de bien 4 km de diamètre avec des voies tout autour plus de gros
blocs qui sont détachés tiennent lieu de secteur à part entière de l’autre du
chemin. Dur de faire son choix devant de telles propositions mais nous
finissons par opter pour Sass de Rocia East. Un calcaire encore une fois
magnifique et la présence des mêmes locaux que la veille nous fait dire que le
hasard nous a mené à la bonne falaise ! Un site où je reviendrai avec grand
plaisir !
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Laste, Sass de Rocia |
Changement de décor et direction
Venise, car oui les Dolomites ne sont qu’à 2h de cette cité envoûtante.
Changement de décor ça on peut le dire avec ses 30° et ses ruelles bondées, on
est bien loin du calme champêtre et frais de Laste. Mais le plaisir de se
perdre dans les ruelles, de déboucher sur un cul-de-sac sur le grand canal ou d’admirer
de nuit la place San Marco valent bien ce changement brutal. Néanmoins, une
soirée est bien suffisante et nous filons le soir même vers de nouveaux
paysages.
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Place San Marco |
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Gondoles |
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Palais des Doges |
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Ruelles et canaux |
Pluie sur l’Italie et sur
Chamonix, légère bruine sur le Vercors, bref des conditions idéales pour un
tour en spéléo ! Avec un Papa qui a dévoué une partie de sa vie à la
spéléo et l’exploration, ce n’était qu’une question de temps ou de personne
pour que j’y vienne à mon tour. Parmi ses nombreuses explorations, il a fait
parti de l’expédition -1000m en 1956 au Berger qui a établi pendant un temps le
record du monde de profondeur. Et ce jour-là, c’est justement au gouffre Berger
que nous allons nous promener.
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Signes des premiers explorateurs |
A présent, avec l’évolution du
matériel, ce genre de sortie relève moins d’une expédition à part entière que d’une
balade quelque peu physique. Pour nous faciliter la tâche, ce jour-là le
gouffre est encore équipé des cordes d’un précédent congrès. Les manips vont donc
beaucoup beaucoup plus vite ! Un bon brief de départ pour remémorer les
différentes manip et plongeons sous terre au fur et à mesure des puits. Nous
croisons au passage un groupe de spéléo qui sont allés tout au fond du gouffre,
à -1100m, et qui ont mis pas moins de... 24h !!! Euh, ce que je viens de
dire, serait-ce faux ? Ils ne sont pas passés loin du secours avec une des
leurs quelque peu épuisée mais tout finira bien.
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La fameuse salle des 13 |
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Vagin géant, suivez mon doigt |
Nous sommes à présent dans la
grande galerie qui mène au camp de base de la salle des 13. J’imagine à peine
la sensation des premiers explorateurs quand ils sont tombés sur ces
stalagmites géantes... Nous regardons une pierre avec des inscriptions et nous
demandons à laquelle mon papa a pris part ! Près de 60 ans après sa venue,
je me sens émue là devant ce bout de caillou, 300 mètres sous terre.
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A l'approche des Coufinades |
Nous continuons jusqu’aux Coufinades, à -700m, où nous arrêterons pour remonter. Et oui tout ce que nous
avons descendus il faut maintenant le remonter ! Quelques photos par ci
par là, une progression indéniable en remontée de cordes statiques, un dernier
méandre et après 7h nous retrouvons la lumière du jour !
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7h sous terre, ça rend heureux ! |
Wahou tout cela en une semaine !
Il faudrait vivre tous les jours comme ça !!