Pages

lundi 26 juin 2017

Greek road trip part 1 : Leonidio la populaire !


Leonidio est devenue, depuis quelques années, la nouvelle destination grimpe à la mode. Assez curieux et en quête de nouveaux sites à découvrir, nous optons pour le Péloponnèse, en plein mois d’avril, non sans quelques doutes sur la météo…

Linka encore toute sage sur les routes italiennes
Linka faisant maintenant partie de la famille, l’option choisie pour rejoindre notre contrée idyllique est le ferry. C’est loin d’être le plus rapide ni le plus économique mais ça a l’avantage de nous permettre de dormir au bord de la mer tous les soirs et d’observer notre « poisson-chien » batifoler dans l’eau chaque matin… Et ça, ça n’a pas de prix !
 
A bord !

A noter, que pour les camions en classe 2 et entre avril et octobre, il est possible de prendre l’option « Camping on Board » sur le ferry pour 5€ de plus. Le surcoût est bien plus important quand le camion est en classe 1… Cette option permet de rester dans son véhicule pendant le trajet, donc de bien dormir, et donne accès à des douches. Bref un vrai camping !

Terres grecques en vue !
La route pour aller à Leonidio est une route côtière en bord de mer plutôt sinueuse. Il y a bien 1h30 de virages avant d’arriver à la petite ville entourée de la mer d’un côté et de falaises abruptes de l’autre. Pour repartir c’est soit par cette route soit par deux autres tout autant sinueuses et aussi longues. Curieusement, je me suis surprise à ressentir un certain poids lié à cet isolement. Mais la douceur des jours qui ont suivi m'ont bien vite fait oublier ce sentiment.

Fête de Pâques

Le soir où nous sommes arrivés, Leonidio était en fête. Il faut croire que Pâques c’est sacré ! Les rues de la ville sont bondées, les gens sont déguisés en habits traditionnels, les festins foisonnent à chaque coin de rues et le ciel est rempli de ces lanternes multicolores qui s’envolent avec la chaleur d’une flamme. Il y en a partout, le dépaysement est total… Les vacances sont belle et bien lancées !

Danses traditionnelles
Elles se poursuivent merveilleusement avec un réveil sur le petit port de Poulithra qui laisse apparaître les falaises surplombant Leonidio. Ce n'est pas tous les jours que l'on a droit à un spectacle pareil au réveil !

Dépaysement à Poulithra

La vue n’est pas le seul sens gâté. Notre odorat est lui aussi ravi en ce printemps frais avec du mimosa bourgeonnant et des effluves de fleurs d’orangers à chaque coin de rue. Le printemps vraiment une bonne période pour visiter le Péloponnèse, avec un peu de chance, il y fait encore frais et les sens sont aux anges !
 
Mimosa en fleur
Sur place, nous retrouvons Ben, Mélo, Guillaume et Goret qui sont déjà là depuis plusieurs semaines et nous conseillent sur les différents secteurs à visiter en priorité. Pour les grimpeurs dans le 7 tassé et le 8eme degré, Nifada, Elona et Twin Caves sont des secteurs immanquables. Pour le 6 et le 7, Mars et Twin Caves seront à visiter impérativement.
 
Calage de genoux à la grecque dans Wings of Life 8a+ à Nifada

Nous commençons notre tournée par Elona et ses voies plutôt courtes du secteur du bas, sous la vire. Le ferry n’ayant sûrement pas aidé, nous sommes tout mous et pas franchement vaillants… Nous faisons laborieusement « The battle of succession » 7c pour moi et « Natural Mystic » 8c pour Cédric qui réalise du coup la deuxième ascension de la voie après Guillaume Lebret quelques jours auparavant.

Bat patting 8c+/9a
La ligne de Wings of Life 8a+ et un bout du secteur de Nifada

Nous poursuivons notre tournée par Nifada accompagnés de Guillaume. Il guide Cédric dans son projet « Bat Patting » pendant que je visite la classique et certainement la plus belle voie du secteur « Wings of life » 8a+. Colos sur colos dans du bon dévers, le ton est donné. Une fois n’est pas coutume, nous nous faisons encore rouster mais repartons, sans plus de peau, complétement emballés par ce secteur et par nos voies en projet !
 
Monemvassia moderne vue de la cité antique
Déjà le besoin de repos se fait sentir et je profite du début de séjour pour emmener Cédric visiter quelques ruines… Direction Monemvassia, une cité médiévale bien conservée située à l’aplomb d’une falaise sur une presqu’île au sud du Péloponnèse. Au-dessus de la barre se trouvent des ruines d’une cité byzantine où seule l’église Agia Sofia a été restaurée de manière grandiose. Se perdre dans ces petites ruelles ou se balader au milieu des fleurs de la cité supérieure finit de nous propulser loin de chez nous.

Agia Sofia fleurie
Nous revenons à Leonidio en pleine forme et tordons tous les deux nos projets de Nifada ! Cédric propose 8c+/9a pour « Bat Patting ». Mais le plus important c’est que nos copains pyrénéens sont arrivés ! Serge et Camille découvrent les voies sur colos grecques non sans mal pour certaines… Mais vu la force de la miss, les voies même sans mettre un genou, ne font pas long feu !

Camille en plein verrouillage de biceps dans Angi Orangi 7c+

Ensuite nous passons à Twin Caves, secteur sur lequel nous reviendrons plusieurs fois pour faire les nombreuses classiques : « Bonobo » 7c jusqu’en haut entre deux colos, la voie idéale pour apprendre à poser des genoux, « Mr Magoo » et « Chipotle » 7c aussi, « Anelkysi » 8a+ et « A pig in the roof » 8b. Cette dernière m’aura posé des problèmes avec son pas de bloc en plein toit et je suis bien contente d’avoir finalement trouvé une méthode me permettant de faire le mouvement clé à tous les coups pour finalement réussir cette voie à l’opposé de mon style de prédilection. Ca progresse !


Claire découvre les genoux dans la classique Bonobo 7b+

Pendant ce temps Cédric est allé voir le seul 9a de Leonidio : « Capricorn » à la Maison des Chèvres. Après une grosse montée de travail où il trouve une méthode alternative à la méthode classique, objectivement pas franchement plus facile… Il enchaîne la voie au premier essai et la trouve clairement moins dure « Bat Patting » 8c+/9a.

Au pied de Capricorn à la Maison des Chèvres
Dormir à Leonidio n’est pas compliqué. Il y a plein de guest house et un camping qui loue également des appartements donnant sur la plage de Plaka. Pour les camions, il est possible de dormir sur le parking de la plage de Plaka mais il n’est pas recommandé d’y rester plusieurs nuits d’affilée vu la proximité du parking et du camping. Sinon il y a des places en bord de piste en montant vers le secteur d’Elona ou sur le plateau après le secteur Nifada. C’est le spot dodo que nous avons préféré même s’il est un peu loin de Leonidio. A noter enfin qu’il y a des douches chaudes sur le parking de la plage de Plaka !!

Notre spot dodo préféré
Lessive et squat sur la plage de Plaka

La vie nocturne de Leonidio se fait au Panjika, bar associatif créé par des grimpeurs, principalement pour les grimpeurs. Ce sont eux qui ont fait le topo et ce sont principalement eux qui équipent et entretiennent les falaises. Notre rythme s’établit. Après de longs petits-déjeuners au bord de la mer, nous grimpons jusqu’en fin d’après-midi pour ensuite retrouver les copains au Panjika ou autour d’un poisson pêché du jour dans l’un des nombreux restos du coin.

Un bon resto de Poulithra
 La vie est douce dans ce coin de la Grèce et ce n'est pas pour nous déplaire !

mardi 9 mai 2017

Fleur de Rocaille à Mouriès ou quand l'émotion est reine

Le projet de Fleur de Rocaille a débuté il y a près de 4 ans et peut, à juste titre, représenter la définition même du projet. Avec Fred Ripert, nous avons eu droit aux hauts et aux bas les plus classiques, ces périodes de démotivation et de doutes, ces instants de frénésie et d'exaltation, qui laissent présager un aboutissement heureux aux optimistes que nous sommes.

Je ne remercierai jamais assez Fred de m'avoir suivie sur cette idée de film et je salue ses idées aussi farfelues que poétiques qui ont donné ce caractère au film que vous allez découvrir en fin d'article. Nous sommes fiers du résultat et émus du chemin parcouru ensemble. 

Prix spécial du Jury au festival des Diablerets avec Laurence Guyon qui a écrit la voix off de Fleur de Rocaille
Photo : Olivier Broussouloux
Pour introduire le sujet ou amener à une simple réflexion, voici un texte que j'ai écrit pour la revue Passe Murailles en repensant à cette belle expérience de Fleur de Rocaille. Passe Murailles est une revue pyrénéenne sur la montagne, l'escalade, les voyages, basée sur la sincérité des expériences et qui renaquit de ses cendres en novembre dernier. Toutes les photos sont de Raphaël Fourau sauf mention.

"Qu’est-ce qui fait qu’une voie reste gravée dans la mémoire d’un grimpeur, qu’il s’en souvient des années après sa réalisation, que son corps frissonne en y repensant ? Certainement pas la cotation comme d’aucuns pourraient croire. Une émotion ne naît pas d’un chiffre, ni d’un symbole écrit ou tout au moins conventionnel. Rappelons bien que le système de cotation est là à titre indicatif pour donner des repères dans une communauté nécessitant une hiérarchie. A part ce point et celui de flatter l’égo ou le mettre à mal, c’est au choix, la cotation n’apporte pas d’autre information.

Fred Ripert suspendu dans les airs à l'arrivée au relais
Pour marquer à ce point un grimpeur, tout est question d’histoire, de partage et d’intéractions. Fleur de Rocaille est une de ses voies à mes yeux et mon histoire avec elle commence il y a près de 4 ans. Nouveaux dans la région, nous étions allés découvrir la falaise de Mouriès sur les conseils d’un ami de Vincent : François Tournois, très fort grimpeur des années 90 à aujourd’hui. Epatée par la finesse de cette lame de rocher et par la compacité de son caillou, cette falaise produisait déjà en moi un profond sentiment de respect et il s’en dégageait une sérénité étonnante.

A Mouriès, il faut être humble, la falaise est reine. Les voies d’échauffement donnent le ton. A chaque nouvelle partition proposée par le rocher, il faut s’investir entièrement, corps et esprit, et ce, dès que notre dernier appui quitte le sol. Les voies dans le 6eme degré ne se laissent pas dompter facilement. C’est au moins une évidence !

Rocher compact et plaisir
Puis mes yeux se sont posés sur cette ligne ouverte par Laurent Jacob, au centre d’un petit bout de caillou de 10 m de haut légèrement décroché de la falaise. Qui peut savoir ce qui m’a attiré dans cette ligne ? Ce qui m’a fait rêver ? Peut-être la pureté du calcaire à cet endroit, son aspect à la fois si lisse et si prisu. Mais il ne faut pas se laisser tromper par les atouts de la belle. La particularité de la falaise est de présenter des prises rentrantes, comme des fentes évasées, laissant penser du sol que les préhensions seront multiples. En revanche, une fois sur la paroi, de par sa rectitude, celle-ci semble désespérément lisse. Il est nécessaire du prendre du recul pour repérer la position de la prise visée parmi les dizaines d’autres semblant, à première vue, elles aussi, tout autant tenables. Ce type d’escalade est particulièrement exigent. Il requiert de la précision et un engagement de tout le corps à chaque mouvement. La moindre erreur laisse peu de place à une ultime réorganisation. 

Treuil et gros attirail lors du tournage de Fleur de Rocaille
Il y avait aussi ce nom, effacé puis réécrit, qui marque l’évolution et le temps qui passe.  De nos jours, ce type d’escalade est beaucoup moins ou beaucoup plus rarement apprécié que les dévers. Pour autant, l’escalade exigeante a été la quintessence de notre pratique dans les années 80. Une partie de l’histoire de l’escalade s’est écrite ici. Ma curiosité était piquée à vif de me confronter à ce qui avait pu être le haut niveau d’une époque, d’imaginer l’ambiance au pied de la falaise en collant fluo, de se remémorer ce temps qui a marqué le début de l’escalade sportive et de lui rendre hommage par l’action. Tout comme peuvent le faire dans un autre domaine les Pyrénéistes en répétant les voies Ravier, Despiau ou Rabada-Navarro.

Un nom qui laisse transparaître l'histoire
Photo : Caro
A l’ouverture, Fleur de Rocaille était cotée 8a et est devenue le premier 8a féminin après sa rélisation par Catherine Destivelle en 1986. Peu de temps après, Fleur de Rocaille sera décotée pour des raisons purement machistes. Le topo des Alpilles rend d’ailleurs hommage à ce fait en annonçant la voie comme « le 7c+ le plus 8a des Alpilles » !

Fred Ripert en pleine installation sur les fines strates de Mouriès
Mais le sujet n’est pas là. Cette voie m’a attirée et je m’y suis plongée totalement. La découverte des mouvements dans une voie nouvelle est le moment que je préfère ! Que nous réserve ce petit bout de calcaire ? Comment faut-il l’aborder ? Avec quelle intensité ? Et quels mouvements va-t-il falloir imaginer pour résoudre le problème proposé par le rocher ? L’inconnu dans toute sa splendeur et notre seule imagination comme solution de secours, c’est l’un des meilleurs moments de l’escalade libre !

Et sur ce point, Fleur de Rocaille a tenu toutes ses promesses. Il a fallu se creuser la tête en abordant chacune des sections. Une fois les solutions trouvées, l’escalade devenait moins complexe au fur et à mesure des répétitions et l’enchaînement jusqu’au dernier point de la voie s’est avéré assez rapide.

Le passage clef de Fleur de Rocaille
Ce qui m’a le plus étonné lors de ce processus de travail de voie, c’est la diffculté que j’ai eu à trouver des compagnons de cordée pour venir sur cette belle falaise. Le style d’escalade si exigent rebutait bon nombre de copains et la réputation de ce site à cotations difficiles les amenait à se décider pour d’autres sites du Sud-Est de la France. Heureusement, ma bonne copine Céline a accepté de sortir des sentiers battus, elle aussi pourtant adepte des dévers, et a jeté son dévolu sur Fleur de Rocaille.

Nous y sommes retournées plusieurs fois et même si le début de la voie se laissait faire docilement, les choses se sont compliquées dans le passage clef sommital. Deux solutions s’offraient à nous, aucune ne nous satisfaisant pleinement. Notre choix s’est finalement porté sur une séquence plus qu’aléatoire qui nous amenait au bac salvateur. Mais le propre de l’aléatoire est bien de pouvoir nous surprendre ! Alors nous l’avons essayée cette séquence jusqu’à ce que la ligne se laisse dompter, le même jour pour toutes les deux. Journée de faiblesse de Mouriès ? Ou courage et détermination bien plus marqués de notre part ? Le fait est que ce jour-là, la tension, l’émulation et le partage ont créé la plus belle des émotions - la joie de réussir à deux après des mois d’efforts – et ont rendu cette voie et ce lieu absolument indélébiles dans mon coeur et mon esprit."



jeudi 16 mars 2017

Limites mentales, les hauts et les bas du travail d'une voie

Ce que je vais vous raconter correspond à mes pensées et sensations vécues ces deux derniers mois lors du processus de travail et d'enchaînement de Classe Croute, 8b. C’est un processus de travail que je découvre en ces termes et qui peut correspondre à n’importe quel grimpeur qui atteint sa limite et qui tente de la repousser que ce soit dans le 6b ou dans le 9a.

Tout commence le week-end du nouvel an que nous passons à Mollans, falaise que je découvre enfin. Après 3 journées entières d’essais je viens à bout de Classe Pieds, un solide 7c+ qui pourrait bien valoir 8a tant le niveau de rési demandé est élevé. Ce 1er janvier, les conditions sont parfaites, nous sommes les seules à ce secteur Céline et moi et nous faisons chacune nos voies côte à côte : Classe Pieds pour moi et Classe Croute pour Céline ! Bref rien à redire sur caractère idéal de cette journée.

Premier bon blocage de Classe Croute
Avec l’envie attisée par les montées successives de Céline, Nina et Kathy dans Classe Croute, je me prends à rêver et avant de rentrer en Haute-Savoie, je rends une visite à cette voie... Certainement que l’envie a joué pour beaucoup, certainement que les conditions étaient réunies, certainement que l’esprit était libéré de tout poids mais il n’en est pas moins que les mouvements ont déroulé et qu’à partir de ce moment-là, j’ai su que cette voie était faisable pour moi, voire même qu’elle était faite pour moi !

Nina s'affûte les doigts dans Classe Croute
Sur le coup, j’ai même cru que je la ferai plus vite que Classe Pieds tant la variété des prises, réglettes et trous, amenait un effort beaucoup moins résistant que sa voisine et les mouvements d’épaule semblaient me convenir davantage qu’une grimpe de face, montant haut les pieds et pliant fort les bras.

Peut-être est-ce ça le premier pas du processus de concrétisation ? Avoir confiance en soi et croire en ses capacités...

Le fait est que le week-end suivant, nous étions de nouveau à Mollans et je mettais mes premiers essais dans cette jolie voie, bien confiante. Mais la réalité a repris le dessus. Certes la voie me convient mais un mouvement en particulier me coûte et me fait tomber systématiquement. J’ai beau le travailler et le retravailler pour sentir le moindre détail limitant mon effort sur les prises, quand j’enchaîne le bas de la voie, il me manque un petit quelque chose pour le réussir. Sans compter que chaque essai ouvre un peu plus le trou qui se forme dans mon index, rendant l’essai suivant plus difficile mentalement. Je rentre concrètement bredouille de ce week-end mais avec le sentiment d’avoir progresser dans la voie, d’avoir permis à mon corps d’assimiler les mouvements du bas et l’assurance d’avoir trouver le placement parfait pour le mouvement clef. Je suis toujours confiante et j’ai finalement pris beaucoup de plaisir !

Le mouvement qui m'a tant de fois fait tomber...
L’emploi du temps nous indique que le prochain créneau Mollans est 15 jours plus tard. Un peu de répis pour ressourcer l’esprit m’incite à penser que la prochaine visite sera la bonne ! Mais la grippe m’attrape, me met à terre et le créneau Mollans se retrouve en pleine période de convalescence. Un aléa de la vie qu’il faut accepter. Mais je ne perds pas espoir. La première journée est consacrée à la reprise de sensations verticales après 5 journées allongées. Puis les deux jours suivants, je retourne aux essais dans la voie. Toujours les mêmes essais en termes de hauteur mais toujours la sensation d’optimiser chaque fois un peu mieux, d’intégrer les détails.

Cédric se balade dans Double Peine 7c+
Les conditions ce week-end là sont un peu limites... Il fait vraiment froid, à la limite du grimpable ! C’est davantage l’envie et le mental qui nous permettent de nous lancer et pas une seule fois, j’arrive au crux sans l’onglée... Mais l’incroyable se produit, malgré la fatigue et le froid, j’entends Flo me dire « Allez Caro, c’est maintenant ! » et je passe le mouvement en question sans broncher. Pourtant rien n’a changé par rapport à l’essai précédent, j’ai toujours un trou dans le doigt strappé, j’ai toujours l’épaule fatiguée quand j’arrive là, je ne sens toujours pas les prises que je tiens sous les doigts. Alors que s’est-il passé ? Sa phrase m’a fait un électrochoc ? Profiter de l’instant, d’être là, là où tout peut basculer, tout donner à un moment précis, focaliser son attention exactement sur l’action, sur la tenue de prise et sur l’épaule. Pourquoi une phrase peut-elle provoquer autant de changements ? Et comment peut-il se produire autant  de choses en soi et dire que cette fois-là l’attention était portée encore plus spécifiquement sur ce qu’il manquait ? Cela paraît contradictoire...

Toujours est-il que la deuxième étape dans le processus de concrétisation semble être la présence de l’esprit à 100 % à l’instant T, la pleine conscience poussée à son paroxysme...

J’ai passé ce mouvement mais la voie n’était pas finie. A chaque fois, en travaillant la voie, quand je passais le mouvement, j’enchainais la fin. Mais cette fois, 3 mouvements plus loin, l’esprit certainement saturé d’informations, j’ai commis la petite erreur, celle qui coûte cher... J’ai oublié de replacer mon pied exactement comme il faut pour la poussée suivante et j’ai zippé... Tout le monde en bas était surpris et a exprimé sa déception par un terrible « Ooooohhhh noooon ! ». Moi j’ai rien compris... Ce n’est qu’une fois pendue au bout de la corde que j’ai compris que c’était fini...

Céline profite des derniers rayons de soleil...
A partir de là ça a été assez dur. Sur le retour vers la maison, mon esprit vagabondait : « Pourquoi tu t’acharnes sur cette voie ? », « Encore 10h de voiture dans le week-end pour « rien » », « Quel est le sens de tout ça si tu ne prends pas de plaisir ? ». Mon problème c’est que je ne voyais la réussite que dans enchaînement de la voie. J’avais l’impression que chaque week-end en plus passé à essayer cette voie était un échec de plus. Et toutes ces sensations étaient attisées par de nouvelles que je n’avais pas encore expérimentées : la peur et le doute... Jusqu’à présent l’excitation, l’envie et la naïveté prenaient le dessus. Je n’avais pas fait de progrès remarquables dans la voie donc l’espoir d’un essai meilleur que les autres était toujours présent. Mais cette fois, cet essai avait bien eu lieu et j’avais merdé... Et si je n’allais jamais réussir à le reproduire ? Et si j’avais raté ma chance dans cette voie ?

Honnêtement, c’est la première fois que je ressentais toutes ces émotions aussi fortement. N’importe qui a déjà travaillé une voie à sa limite a dû expérimenter cela mais pour moi c’était nouveau. Mon esprit était saturé d’émotions négatives et le retour à la maison était pensif...

C’est là que tout le mental rentre en jeu. Clairement, je n’étais pas prête à réaffronter cette voie le week-end suivant. La peur de l’échec à nouveau était trop présent en moi et le doute sur mes capacités aussi. Heureusement, ce qui m’a sauvé c’est que notre emploi du temps ne nous laissait envisager la prochaine session Mollans qu’un mois plus tard ! C’est le temps dont j’avais besoin pour m’aérer l’esprit, penser à autre chose qu’à cette voie.

Nina dans les bacs de fin de Double Peine
Pendant un mois, on a skié, on a grimpé en salle, on s’est entrainé et on a même fait une petite compete qui m’a mise en confiance. En fait, il me fallait ce temps pour me dire que mon état de forme allait changer puisque mon esprit n’était pas capable de faire la différence. Quelques faits objectifs m’ont montré qu’effectivement la forme avait changé et la confiance en mes capacités était revenue. Ouste le doute !

Ce week-end là s’annonçait bon en termes de conditions et de compagnie. En tête à tête avec Céline, on s’échauffe au soleil dans un autre secteur, sans pression ni hâte. On sait qu’il faut attendre l’ombre. Quand je vais mettre les dégaines, je me rends compte que les conditions sont absolument parfaites : chaud donc pas d’onglée, un léger vent frais et aucune humidité, donc un rocher qui adhère comme jamais. Du coup, j’essaye d’enchainer en posant les dégaines et passe le mouvement clef mais mes doigts glissent et je tombe. Peu importe, je me sens vraiment en forme et annonce : « je fais la voie aujourd’hui ! ».

Le doute est parti, la peur aussi. Je sais que je suis prête physiquement, les conditions ne peuvent pas être meilleures et cet essai a fini de convaincre mon esprit qu’aujourd’hui n’a rien à voir avec les autres fois. C’est marrant comme ces 3 éléments influent sur le mental et la confiance en soi.

Le bac est proche !
Avant de partir pour l’essai, suivant je profite du moment, de cette petite boule au ventre qui annonce un gros moment. Je sais que c’est maintenant que je vais faire la voie et j’essaye de profiter de chaque petit instant. J’arrive au pas dur, mes doigts glissent à nouveau sur la prise d’arrivée mais ce n’est pas grave, je repars en arrière pour retravailler parfaitement la préhension et continue. C’est du sang sur l’index qui me fait glisser... Mais peu importe, ça tient. Au niveau du pas où j’avais zippé, je me concentre pour replacer le pied au millimètre puis avance. Deux mouvements plus tard, il faut s’engager dans le mouvement et je me souviens que j’ai sauté la dégaine et je me sens un peu limite. Cette réflexion dure une fraction de seconde et accepte tout ce qui peut découler si je rate. Je me concentre sur le blocage, crie un coup et atteint la prise. Il reste deux mouvement avant le bac. Je délaye sur un mono doigt et au moment de croiser, mon bras s’ouvre et je sens que je ne finirai pas le mouvement... Je retourne en arrière pour délayer une fois ce bras droit qui ne veut plus se fermer et j’y retourne ! Cette fois ça passe et je me retrouve sur le dernier mono doigt, le majeur totalement insensible d’avoir délayé autant sur le précédent... Ce n’est pas grave, je sers les dents et croise les doigts pour ne pas zipper sans le sentir et atteint ce fameux bac ! Délivrance et bonheur !!

Cet enchaînement était incroyable. J’ai eu l’impression d’avoir la pleine conscience de mon corps et de mon esprit. Comme si tout allait à 100 à l’heure dans mon cerveau et que je pouvais me réadapter à tout instant à n’importe quelle situation... Comment on retrouve cet état proche de la transe consciente ? Je ne sais pas mais rien que le fait de l’avoir vécu est un beau moment !

C’est la première fois que je travaillais une voie aussi longtemps et j’ai pu affronter les hauts et les bas de ce processus alors même que je n’ai concrètement pas régressé dans mes essais. Tout mon respect à ceux qui tiennent le coup plusieurs années dans un projet. C’est loin d’être plus facile avec le temps... Bien au contraire !




mercredi 25 janvier 2017

Andalucia mi amor

L’Andalousie... Depuis le temps qu’on se dit que l’on veut y aller ! C’est pas faute d’avoir essayer auparavant, mais le mieux que nous ayons pu faire était d’atteindre la région de Valence et Chulilla ! Il faut dire qu’il y a tellement de sites incroyables sur le chemin vers le Sud de l’Espagne... Il y en aurait pour toute une vie avec la seule Catalogne.

Un avant-goût andalou... coucher de soleil à Archidona
Mais cette fois, nous étions décidés, cap vers le Sud. Cela ne nous a pourtant pas empêcher de faire une nouvelle pause par Pau puis Rodellar...

Pause famille  devant l'Ossau
Pau, pause famille mais aussi retrouvaille d’une falaise que j’avais côtoyée il y a longtemps : Troubat. Je rêvais de retourner dans «Leaving the world behind ». Si je me souviens bien, c’est le premier 8a dans lequel je suis montée quand j’avais 16 ans. C’était encore trop dur pour envisager l’enchainement mais je m’étais dit qu’un jour je pourrai la faire. C’est dans cette optique que j’ai abordé cette journée à Troubat, en sachant que je pouvais faire cette voie et que ça serait une bonne journée si j’y arrivais.

Troubat
Pas de pression, juste du plaisir de redécouvrir ces mouvements qui m’avaient émus par le passé. Par chance, les dégaines étaient en place alors j’ai essayé... sans vraiment savoir à quoi m’attendre ni où étaient les sections difficiles. Et puis je suis montée, montée, avec une belle sensation de fluidité, jusqu’à un bon repos. Les genoux salvateurs sont venus tous seuls et le plaisir d’être arrivée là et de pouvoir récupérer, seule à la falaise par cette belle journée, l’ont emporté sur le stress de ce qu’il restait à faire. J’ai continué ainsi, en me battant toujours un peu plus, en hésitant beaucoup sous le relais pour temporiser et surtout ne pas commettre d’erreurs et j’ai clippé le relais ! Un bon moment et des sensations incroyables à garder en mémoire pour ce faux premier 8a à vue qui ont le mérite de faire réfléchir sur les capacités que notre tête et notre état d’esprit peuvent donner à notre corps...

Rodellar
Rodellar était davantage une obligation de l’ordre du jardinage à vrai dire mais qui n’était pas pour nous déplaire.

Labourage intensif fin août
Fin août, nous avions laissé le jardin entièrement labouré après avoir passé des matinées à arracher les ronces et autres mauvaises herbes qui souillaient cette bonne terre. Alors en ce début novembre, on appréhendait un peu la découverte du jardin... Mais à notre grande surprise, c’était une belle herbe type gazon Barenbrug (le top du top en matière de gazon !) qui avait décidé de pousser ! De quoi nous permettre de poursuivre sainement l’entretien de ce jardinet et voilà que je me retrouve même à construire un mur de pierres pour le compost, à la manière des paysans aragonais, avec moins de succès tout de même quant à la rectitude du profil... Pas dit que mes maisons auraient tenu le poids des années avec cette technique !!

Une plus belle couleur début novembre !
Muret maison !
Le jardinage nous a tout de même laissé le temps de profiter du Mascun et je montre à Cédric quelques belles voies pour se remettre en canne : les Chacals 8b et Chorrera o la belle inconnue 8b/+ qu’il fait à vue pour cette dernière. Les conditions sont fraiches et légèrement humides déjà alors j’en profite pour faire le beau mur à réglette de Wiskyri 8a qui me faisait envie depuis bien longtemps mais qui reste inenvisageable en plein été... Cette fois c’était parfait ! Puis je râte de peu le flash de Gracias Fina 8a. Mais c’était une bonne mise en jambe pour ce qui nous attend en Andalousie. Sur ces belles notes, nous filons vers le sud !

La Sierra de Guara nous gratifie d'une belle mer de nuage pour notre départ
Notre premier stop se fait à Villanueva del Rosario, quelle baume ! C’est le genre de falaise où tu rêverais de faire du 8c pour aller mettre tes doigts sur ces belles colos perchées tout là-haut dans le dévers... Heureusement pour moi, il y a aussi des voies plus faciles. Je grimpe quelques jours en faisant du à vue dans les classiques en 7c : la Cenizo et la Calima puis repère la belle Golpe de Calor 8a+ pendant que Cédric passe directement aux choses sérieuses en pliant Mandanga total 9a en 2 jours. Tant que les copains ne sont pas arrivés, on garde un rythme décent et après 2 jours de grimpe c’est déjà le jour de repos mérité.

Nerja la touristique
Photo de famille en bord de mer
Début novembre dans l'eau
Cela nous permet de découvrir le village touristique de Nerja en bord de mer, de se baigner en plein mois de novembre dans une eau à 25°C et d’observer Linka s’initier au surf dans les rouleaux méditerranéens ! Céline et Seb nous rejoignent d’un trait de France pour plonger directement dans un bon bain salé. Les vacances sont lancées !!

Avant...
Après l'initiation surf !
Avec leur arrivée et celle d’Amélie, Julien, Max et Fanny, vient aussi celle du froid, du grand froid. La baume de Villanueva del Rosario, par grand froid, c’est compliqué... La brise se lève vers 11h et souffle jusqu’en fin d’après-midi et à cette période, la falaise ne voit pas le soleil. Les conditions sont patagoniennes et nous filons à Tajo de la Madera, une petite barre au soleil et à l’abri du vent dans un patûrage, derrière la grande baume de Rosario. Le secteur n’est pas inoubliable mais c’est une bonne alternative pour des journées glaciales.

Tajo de la madera
Le lendemain, Cédric est trop guronzé par son nouveau projet Mangarbo 9a+, qu’il me traine pour l’assurer malgré le froid. Je mets toutes les couches possible et armée ainsi, l’assure un long moment. Mais une telle envie est transmissible et quitte à être là, autant moi aussi retourner travailler mon projet Golpe de Calor. A peine descendue de cette montée glaciale, je me sens prête à mettre un essai pendant que Cédric se transforme en glaçon et regrette déjà d’avoir montré autant d’envie !

En mode guerrière contre le froid
J’ai dû choisir le pire moment pour commencer à grimper, un vent froid et persistant souffle sans arrêt, mauvais cycle. J’hésite à m’arrêter tellement le froid me prend mais la voie se prête plutôt bien au réchauffage de doigts. C’est en fait 3 bouts de voies entrecoupées de bons repos. Alors je prends chaque bout de voie un à un et récupère patiemment à chaque repos à la fois les doigts que les avant-bras ! Après un bon combat, même un ultime combat, j’arrive en haut de cette ligne avec un sentiment de satisfaction plus fort que jamais. Sur le moment, j’ai le sentiment d’être une guerrière  au mental d’acier qui a battu les éléments et ses propres limites pour atteindre le champ du rêve...

Perchés après Golpe de Calor 8a+
Avec ce froid, les copains ont renoncé à Rosario et nous n’étions que tous les deux pour partager ce beau moment ! Nous les rejoignons, sur notre petit nuage, à Archidona que l’on pensait plein Sud-Ouest mais malheureusement, la grotte ne passe pas non plus au soleil en cette période. Elle a au moins l’avantage d’être à l’abri du vent et d’abriter des voies incroyables en 8c. Ca donne là encore envie d’être fort !

La grotte d'Archidona
Seb force un bon coup dans Otra Generacion 8a 
Cédric, il marche à la pression et à l’ego et en croitant Golpe de Calor, je lui ai bien mis la pression ! Alors il a ressorti son mental de vainqueur et à peine arrivé, il se prépare pour Kalliste 8c. Après une longue gestion des 40 m de la voie, il réussit cette king line à vue sous les yeux médusés des locaux qui enchainaient ce jour-même leur projet voisin après 3 ans de labeur !

Au départ de Kalliste 8c à vue

Cédric a la moitié de l'immense Kalliste 8c

Fin de journée au soleil dans un joli 7a
Les jours suivants, nous filons vers Jaen, où les températures sont plus clémentes. Nous passons une  journée pluvieuse abritée par les dévers d’Otinar. Il y a là-bas le plus beau mur de colos que j’ai vu mais les voies ne sont quasiment que pour Cédric encore une fois ! Il passe à rien de faire Sex after Climb 8c/+ à vue. Avec l’humidité ambiante, la dernière réglette avant le bac, pleine de sika, est toute glissante et il zippe en faisant l’ultime relance salvatrice... Dommage !

La seconde avant la chute dans Sex after climb 8c/+
Avec Céline, nous nous tournons vers une classique sur patates en dévers puis dièdre technique « El Verdugo » 8a que nous faisons toutes les deux à vue ! Le plus dur n’était finalement pas la voie mais le combat psychologique contre ma propre tête pour garder la lucidité nécessaire et faire les bons choix dans les derniers mètres d’escalade après le crux. Décidément, ce trip m’apporte un paquet de leçons d’escalade ! J

El verdugo 8a à vue

Amélie dans la 1ere longueur d'El Verdugo 7b+
Nous visitons ensuite Reguchillo, une vraie barre plein sud en espérant voir enfin le soleil tant attendu mais ce n’est toujours pas notre heure. Nous sommes dans le brouillard toute la journée et après quelques jolies voies courtes et intenses, nous cédons à l’appel des tapas de Jaen !

Amélie s'échauffe dans le brouillard

Céline et moi dans les belles concrétions de Reguchillo
La fin du trip est plus douce. Les conditions sont meilleures pour Rosario et nous pouvons en profiter tous ensemble et leur montrer les magnifiques colos de la Cenizo 7c. 

Julien croite la Cenizo 7c tout en coincements de genoux
Tout le monde y va de sa croix et nous pouvons finir en beauté par ce que Juju et Cédric attendent le plus : des sessions parapentes ! Une belle journée à Loja nous permet de checker tous les décos possibles en attendant les conditions et de faire une bonne bambée... Le site n’est pas raide du tout et les conditions faibles nous surprennent un peu parfois pour poser un peu trop tôt !

Vol rando vers Loja
Repérage du déco Est
En attente des condis
Puis décollage en Sud
Pendant que Céline et moi finissons notre peau des doigts dans El Mundito Feliz 7c+, les autres découvrent Abdalaris qui se révèle être un site de vol incroyable. Ils se payent de beaux vols thermo-dynamiques de plusieurs heures en admirant les paysages andalous.

Grosse conditions pour Cedric au déco d'Abdalaris

Abdalaris
Une belle manière de clôturer un superbe voyage entre amis dans une région qu’il était temps de découvrir autant pour la grimpe, le vol ou le dépaysement culturel ! 

La bande de copains sous le soleil tant attendu !
Côté culture justement, nous n’avons pas vu un dixième du potentiel et nous le gardons pour nos prochaines visites, quand les conditions de vol seront mauvaises j’imagine.... Ah ces parapentistes !!

Pas franchement dur pour tout le monde le vol rando !